Dynastie saadienne (1554-1659)
Les Saadiens, appelés parfois Zaydanides, constituent une dynastie arabe chérifienne originaire de la vallée du Draâ. Elle arrive au pouvoir en 1511 avec le sultan Muhammad al-Mahdi al-Qaim bi-Amr Allah et choisit Marrakech pour capitale définitive aprèsTaroudant. À partir de 1554 elle contrôle entièrement le Maroc, alors que le Maghreb central et oriental est sous la domination desOttomans. Mohammed ech-Cheikh est un adversaire résolu du sultan-calife ottoman Soliman le Magnifique. Pour conjurer la menace exercée par les gouverneurs turcs d’Alger, le sultan saadien n’hésite pas à chercher l’alliance des Espagnols qui occupentOran et lui permettent de s’emparer de Tlemcen. Malgré un raid dévastateur contre Fès les troupes ottomanes ne pénètrent pas vraiment l’intérieur du territoire marocain, et les Saadiens peuvent étendre leur occupation sur le Nord-Ouest algérien. La diplomatie de Mohammed ech-Cheikh lui vaut l’inimitié tenace de la Sublime Porte. En effet, en 1557 des assassins à la solde du pacha d’Alger Hasan Corso décapitent le sultan marocain et envoient sa tête en trophée à Istanbul, où Soliman peut contempler ainsi son implacable ennemi de l’Ouest. Ce meurtre n’a cependant pas d’incidence sur le front militaire et consolide même les assises de la dynastie saadienne.
Désignés par les confréries mystiques et notamment la Chadilya et la Jazoulya, les Saadiens ont la lourde tâche de réunifier leMaroc et de combattre le jeune roi Sébastien Ier de Portugal désireux de mener sa croisade personnelle en Afrique. En 1578 à Ksar el-Kébir (bataille des Trois Rois), une grande armée portugaise composée en bonne partie de mercenaires originaires de presque toute la chrétienté occidentale catholique (chevaliers portugais, miliciens des provinces espagnoles, lansquenets allemands etflamands et hallebardiers italiens des troupes papales) est complètement anéantie par les forces militaires de l'Empire marocain saadien qui s'offrent une victoire au retentissement considérable. À l’issue de cette bataille, la dynastie se concentre sur le nord-est du Maroc afin de protéger le pays des ambitions ottomanes.
Malgré leur opposition politique à la Sublime Porte, les Saadiens organisent leur makhzen et leur armée sur le modèle ottoman. L’administration adopte les titres de pachas et debeys, et les sultans se dotent d’une garde d’élite composée de peiks et de solaks, reprenant la discipline et le costume caractéristique des janissaires turcs. Un représentant du sultan doté du titre de "khalifa"exerce le pouvoir de vice-roi depuis Fès sur les provinces du nord et de l’est. Beaucoup de pachas et de caïds sont des renégats et des Andalouschargés de prélever les impôts, de lever des troupes et de surveiller les tribus afin de prévenir toute révolte contre le makhzen saadien.
L’influence turque s’explique par l’exil des princes Abu Marwan Abd al-Malik et Ahmed (futur Ahmed al-Mansur Saadi) à Alger et àIstanbul durant le règne de leur demi-frère Moulay Abdallah el-Ghalib, qui avait voulu les éliminer afin d’être l’unique représentant de la dynastie. Le soutien du sultan ottoman Murad III aux prétentions des deux princes saadiens peut paraître paradoxal en raison de la nature conflictuelle des relations maroco-turques, mais Abd al-Malik puis son frère savent exploiter intelligemment cet appui pour récupérer le trône et éliminer leur neveu Mohammed el-Mottouakil (fils d’al-Ghalib) qui de son côté s’était allié au Portugal. La mort deMurad III en 1595 met fin par ailleurs aux appétits hégémoniques de la Sublime Porte et renforce ainsi l’indépendance marocaine.
Si les Turcs sont surtout présents dans l’état-major et dans l’artillerie, l’essentiel de l’armée saadienne est composée de renégats européens et de tribus militaires arabes Cheragas ainsi que de contingents du Souss (les Ehl el-Souss, constituant l’ossature militaire de la dynastie). Cette force considérable, estimée à 40 000 hommes par l’historien Henri Terrasse, fait du sultan Ahmed al-Mansur le plus puissant chef politique et militaire de cette partie de l’Afrique. Il le prouve en lançant un de ses plus brillants officiers, le généralYuder Pacha, à la conquête de l’Empire songhaï du Mali qui devient après la bataille de Tondibi le pachalik marocain de Tombouctou et du Bilad as-Sûdan (le Soudan occidental nigérien, par opposition au Soudan oriental nilotique), incluant les prestigieuses cités de Gao et de Djenné. Sur le plan religieux, la primauté du califat saadien est reconnue jusqu’au Tchad parIdriss III Alaoma, souverain du royaume du Kanem-Bornou. Cette allégeance spirituelle marque une victoire indéniable pour le sultan al-Mansur sur la scène africaine au détriment de l’Empire ottoman qui entend user aussi de son statut de califat.
L'Empire songhaï détruit et son souverain Askia Ishaq II renversé, l’or de la vallée du fleuve Nigerprend le chemin des oasis marocaines puis de Marrakech par le circuit de caravanes sous forte escorte armée. Grâce à cet or malien, le sultan al-Mansur se lance dans une politique de grand prestige, achève son immense et luxueux palais El Badi siège d'une vie de Cour très fastueuse, et l’on voit même la reine de France Catherine de Médicis tenter de recourir à un emprunt de20 000 ducats auprès du richissime calife saadien.
De son côté la reine Élisabeth Ire d’Angleterre veut nouer une alliance stratégique anti-espagnole avec le puissant califat saadien, afin de contrer les ambitions de Philippe II. Cette politique se concrétise par l’attaque conjointe anglo-marocaine contre Cadix (1596) et par l’échange d’ambassadeurs entre les cours de Londres et de Marrakech en 1600. Mais cette page brillante s’achève par le décès d’Ahmed à Fès en 1603. Dès 1612, les pachas de Tombouctou se conduisent en princes indépendants et l’or du Mali cesse de parvenir jusqu’à Marrakech. La dynastie s’éteint en 1659 à la mort du sultan Ahmed el-Abbas, qui met fin à une longue guerre dynastique opposant les différents héritiers de la famille saadienne.
À la veille de la disparition de la dynastie saadienne, le Maroc se fractionne en plusieurs pouvoirs locaux, dont certains ambitionnent de dépasser leur cadre régional et de s’imposer à l’échelle nationale. Parmi ces puissances, les plus remarquables sont la zaouia de Dila, basée dans le Moyen-Atlas, et dont la force repose sur les tribus berbères des montagnes, notamment les Sanhadjas, ainsi que la zaouia d’Illigh qui fonde le royaume du Tazeroualt dans le Souss et contrôle d’importantes routes caravanières en provenance du Sahara. À côté de ces États théocratiques soufis, le chef de guerre el-Ayyachi, champion du jihad dans les provinces atlantiques, se taille un fief important dans le Gharb. Les villes côtières à dominante andalouse s’érigent également en entités politiques indépendantes, comme la République de Salé et la principauté des Naqsides à Tétouan. Enfin, à Marrakech et dans le Haouz émerge la seigneurie des anciens caïds du palais saadien. Mais de tous ces protagonistes en présence, ce sont lesAlaouites, émirs du Tafilalet qui s’imposent grâce à une conquête méthodique et graduelle du Maroc, mettant à profit les faiblesses internes et les dissensions de leurs adversaires. La dynastie alaouite parvient ainsi au pouvoir sur l’ensemble du territoire au milieu du xviie siècle.
Les Saadiens, appelés parfois Zaydanides, constituent une dynastie arabe chérifienne originaire de la vallée du Draâ. Elle arrive au pouvoir en 1511 avec le sultan Muhammad al-Mahdi al-Qaim bi-Amr Allah et choisit Marrakech pour capitale définitive aprèsTaroudant. À partir de 1554 elle contrôle entièrement le Maroc, alors que le Maghreb central et oriental est sous la domination desOttomans. Mohammed ech-Cheikh est un adversaire résolu du sultan-calife ottoman Soliman le Magnifique. Pour conjurer la menace exercée par les gouverneurs turcs d’Alger, le sultan saadien n’hésite pas à chercher l’alliance des Espagnols qui occupentOran et lui permettent de s’emparer de Tlemcen. Malgré un raid dévastateur contre Fès les troupes ottomanes ne pénètrent pas vraiment l’intérieur du territoire marocain, et les Saadiens peuvent étendre leur occupation sur le Nord-Ouest algérien. La diplomatie de Mohammed ech-Cheikh lui vaut l’inimitié tenace de la Sublime Porte. En effet, en 1557 des assassins à la solde du pacha d’Alger Hasan Corso décapitent le sultan marocain et envoient sa tête en trophée à Istanbul, où Soliman peut contempler ainsi son implacable ennemi de l’Ouest. Ce meurtre n’a cependant pas d’incidence sur le front militaire et consolide même les assises de la dynastie saadienne.
Désignés par les confréries mystiques et notamment la Chadilya et la Jazoulya, les Saadiens ont la lourde tâche de réunifier leMaroc et de combattre le jeune roi Sébastien Ier de Portugal désireux de mener sa croisade personnelle en Afrique. En 1578 à Ksar el-Kébir (bataille des Trois Rois), une grande armée portugaise composée en bonne partie de mercenaires originaires de presque toute la chrétienté occidentale catholique (chevaliers portugais, miliciens des provinces espagnoles, lansquenets allemands etflamands et hallebardiers italiens des troupes papales) est complètement anéantie par les forces militaires de l'Empire marocain saadien qui s'offrent une victoire au retentissement considérable. À l’issue de cette bataille, la dynastie se concentre sur le nord-est du Maroc afin de protéger le pays des ambitions ottomanes.
Malgré leur opposition politique à la Sublime Porte, les Saadiens organisent leur makhzen et leur armée sur le modèle ottoman. L’administration adopte les titres de pachas et debeys, et les sultans se dotent d’une garde d’élite composée de peiks et de solaks, reprenant la discipline et le costume caractéristique des janissaires turcs. Un représentant du sultan doté du titre de "khalifa"exerce le pouvoir de vice-roi depuis Fès sur les provinces du nord et de l’est. Beaucoup de pachas et de caïds sont des renégats et des Andalouschargés de prélever les impôts, de lever des troupes et de surveiller les tribus afin de prévenir toute révolte contre le makhzen saadien.
L’influence turque s’explique par l’exil des princes Abu Marwan Abd al-Malik et Ahmed (futur Ahmed al-Mansur Saadi) à Alger et àIstanbul durant le règne de leur demi-frère Moulay Abdallah el-Ghalib, qui avait voulu les éliminer afin d’être l’unique représentant de la dynastie. Le soutien du sultan ottoman Murad III aux prétentions des deux princes saadiens peut paraître paradoxal en raison de la nature conflictuelle des relations maroco-turques, mais Abd al-Malik puis son frère savent exploiter intelligemment cet appui pour récupérer le trône et éliminer leur neveu Mohammed el-Mottouakil (fils d’al-Ghalib) qui de son côté s’était allié au Portugal. La mort deMurad III en 1595 met fin par ailleurs aux appétits hégémoniques de la Sublime Porte et renforce ainsi l’indépendance marocaine.
Si les Turcs sont surtout présents dans l’état-major et dans l’artillerie, l’essentiel de l’armée saadienne est composée de renégats européens et de tribus militaires arabes Cheragas ainsi que de contingents du Souss (les Ehl el-Souss, constituant l’ossature militaire de la dynastie). Cette force considérable, estimée à 40 000 hommes par l’historien Henri Terrasse, fait du sultan Ahmed al-Mansur le plus puissant chef politique et militaire de cette partie de l’Afrique. Il le prouve en lançant un de ses plus brillants officiers, le généralYuder Pacha, à la conquête de l’Empire songhaï du Mali qui devient après la bataille de Tondibi le pachalik marocain de Tombouctou et du Bilad as-Sûdan (le Soudan occidental nigérien, par opposition au Soudan oriental nilotique), incluant les prestigieuses cités de Gao et de Djenné. Sur le plan religieux, la primauté du califat saadien est reconnue jusqu’au Tchad parIdriss III Alaoma, souverain du royaume du Kanem-Bornou. Cette allégeance spirituelle marque une victoire indéniable pour le sultan al-Mansur sur la scène africaine au détriment de l’Empire ottoman qui entend user aussi de son statut de califat.
L'Empire songhaï détruit et son souverain Askia Ishaq II renversé, l’or de la vallée du fleuve Nigerprend le chemin des oasis marocaines puis de Marrakech par le circuit de caravanes sous forte escorte armée. Grâce à cet or malien, le sultan al-Mansur se lance dans une politique de grand prestige, achève son immense et luxueux palais El Badi siège d'une vie de Cour très fastueuse, et l’on voit même la reine de France Catherine de Médicis tenter de recourir à un emprunt de20 000 ducats auprès du richissime calife saadien.
De son côté la reine Élisabeth Ire d’Angleterre veut nouer une alliance stratégique anti-espagnole avec le puissant califat saadien, afin de contrer les ambitions de Philippe II. Cette politique se concrétise par l’attaque conjointe anglo-marocaine contre Cadix (1596) et par l’échange d’ambassadeurs entre les cours de Londres et de Marrakech en 1600. Mais cette page brillante s’achève par le décès d’Ahmed à Fès en 1603. Dès 1612, les pachas de Tombouctou se conduisent en princes indépendants et l’or du Mali cesse de parvenir jusqu’à Marrakech. La dynastie s’éteint en 1659 à la mort du sultan Ahmed el-Abbas, qui met fin à une longue guerre dynastique opposant les différents héritiers de la famille saadienne.
À la veille de la disparition de la dynastie saadienne, le Maroc se fractionne en plusieurs pouvoirs locaux, dont certains ambitionnent de dépasser leur cadre régional et de s’imposer à l’échelle nationale. Parmi ces puissances, les plus remarquables sont la zaouia de Dila, basée dans le Moyen-Atlas, et dont la force repose sur les tribus berbères des montagnes, notamment les Sanhadjas, ainsi que la zaouia d’Illigh qui fonde le royaume du Tazeroualt dans le Souss et contrôle d’importantes routes caravanières en provenance du Sahara. À côté de ces États théocratiques soufis, le chef de guerre el-Ayyachi, champion du jihad dans les provinces atlantiques, se taille un fief important dans le Gharb. Les villes côtières à dominante andalouse s’érigent également en entités politiques indépendantes, comme la République de Salé et la principauté des Naqsides à Tétouan. Enfin, à Marrakech et dans le Haouz émerge la seigneurie des anciens caïds du palais saadien. Mais de tous ces protagonistes en présence, ce sont lesAlaouites, émirs du Tafilalet qui s’imposent grâce à une conquête méthodique et graduelle du Maroc, mettant à profit les faiblesses internes et les dissensions de leurs adversaires. La dynastie alaouite parvient ainsi au pouvoir sur l’ensemble du territoire au milieu du xviie siècle.